Histoires de migrations à la radio [...], Fanny Dujardin

La « crise migratoire » ou « crise de l’accueil » (Calabrese, Gaboriaux et Veniard, 2022) s’accompagne de la production et de la circulation de nombreuses représentations de personnes exilées sous forme de témoignages et de récits de vie. Ces récits ont une forte valeur documentaire car ils illustrent à travers un point de vue individuel le contexte social et politique dans lequel ont lieu les migrations (Maitilasso, 2014). Cependant, la sollicitation de témoignage par des journalistes, artistes, chercheurs et/ou activistes, peut donner lieu à une reproduction des violences systémiques s’exerçant sur les exilés (Mekdjian, 2016), en particulier s’ils sont issus d’anciens pays colonisés. En effet, la production du récit de migration conditionne l’accueil et l’accès au statut de réfugié en Europe. Ce récit, toujours suspect est soumis au jugement moral des institutions (Fassin et Kobelinsky, 2012) et fait souvent l’objet d’un « travail de “conformation” » (d’Halluin, 2004), avec l’aide d’acteurs associatifs, pour correspondre à l’image du « vrai réfugié ». Le média radiophonique (radio de flux et podcast natif), est l’un des vecteurs de ces récits de migration. Journalistes et documentaristes sonores tâchent de donner à entendre ces voix que l’on peut qualifier de « subalternes », en tant qu’elles sont toujours représentées, discursivement et politiquement, par autrui (Spivak, 1988). On peut alors se demander quelles valeurs confèrent aux paroles migrantes les choix techniques, éthiques et esthétiques opérés par ces auteurs. Du reportage au documentaire de création, les écritures sonores qui prétendent « donner la parole » aux exilés participent-elles à reproduire l’assignation des voix migrantes à un statut subalterne, ou peuventelles, par des moyens proprement radiophoniques restituer une forme d’agentivité à ces sujets ?

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