La construction du migrant comme figure du danger, Matthijs Gardenier
Article de revue
Matthijs Gardenier. La construction du migrant comme figure du danger. Hermès, La Revue - Cognition, communication, politique, 2024, n°94 (2), pp.90-94.
Mis à jour le 7/9/25
Selon Kai Arzheimer, le rejet de l’immigration est devenu le principal facteur explicatif des votes en faveur des partis d’extrême droite (2018). Or, les phénomènes migratoires font fréquemment l’objet de représentations erronées. Dans un contexte de sécuritisation (Buzan et al., 1998), de nombreuses problématiques perçues comme relevant des politiques sociales en viennent à faire l’objet d’un traitement strictement sécuritaire, comme les flux migratoires. Dès 1998, Didier Bigo parle d’un gouvernement des migrations par l’inquiétude, les enjeux sécuritaires prenant le pas sur les dimensions sociales, économiques et humanitaires. Si cette assimilation migration/sécurité est devenue relativement hégémonique, certains discours prennent une tournure plus radicale, notamment à l’extrême droite, présentant les migrations comme une menace existentielle.
Certains lieux concentrent tout particulièrement l’attention médiatique, c’est notamment le cas de Douvres et de Calais. Ces villes ont acquis une forte visibilité médiatique et revêtent de forts enjeux symboliques en même temps qu’elles occasionnent de furieux débats. Pour les acteurs sociaux favorables à l’accueil des réfugiés, ces lieux symbolisent l’incurie et la violence des pouvoirs publics. A contrario, pour les groupes antimigrants, ils incarnent la menace sécuritaire voire existentielle que poseraient ces flux migratoires, à l’instar des small boats supposés représenter une invasion de « men of fighting age » (hommes en âge de combattre) sur le territoire britannique.
Cet article étudie les représentations des migrants produites par les groupes antimigrants à Calais et à Douvres, notamment aux périodes intenses de mobilisation, respectivement en 2015-2016 et autour des étés 2020 et 2021. Elles correspondent à des moments de visibilité médiatique accrue : les images spectaculaires de la jungle Jules Ferry, jusqu’à son démantèlement en novembre 2016, alors qu’en Grande-Bretagne, c’est à partir de de l’été 2020 que l’attention médiatique se concentre sur les traversées en bateau qui prennent de l’ampleur, avec près de 20000 passages.