Entre sang et peau, entre terre et mer [...], Luc Renaut et Cécile Bournat-Quérat

Article de revue

Renaut Luc et Bournat-Quérat, Cécile (2025). Entre sang et peau, entre terre et mer : le tatouage en France et en Italie au 18e siècle. Revue Dix-huitième siècle, n° 57(1)

2025

Mis à jour le 7/9/25

Incorporé et tenace, choisi ou subi, le tatouage est « l’écrit sur soi » par excellence, celui qui, pourtant, a échappé à Arlette Farge [1]. Il meurt avec celui qui le porte, à moins qu’un contemporain ait pris le soin d’en garder une trace écrite ou dessinée. Ces archives sont si rares avant 1800 qu’on a longtemps considéré le tatouage comme un produit d’importation récente, seulement parvenu en Europe à la fin du 18e siècle [2]. Rapporté par des marins qui en avaient fait l’expérience en Polynésie [3], il serait demeuré une marque primitive et sauvage, un instrument d’autostigmatisation pour les franges les plus arriérées et les plus indociles de la société [4]. Les sources que nous mettons au jour racontent une autre histoire. On se tatoue en France et en Italie bien avant le retour des expéditions de Bougainville, de Cook ou de La Pérouse. Cette pratique jouit certes d’une faveur particulière auprès des marins, mais ces derniers sont caboteurs ou bateliers plutôt que navigateurs au long cours. Nuls motifs exotiques ou contestataires, mais des images, des noms et des symboles profanes ou sacrés, tous tirés du répertoire commun et véhiculant des valeurs très largement partagées.

Nous convions comme premiers témoins deux mariniers de Condrieu, tatoués au milieu du 18e siècle. L’analyse des archives les concernant a permis d’établir leur identité socioprofessionnelle, de connaître l’aspect de leurs tatouages et l’âge auquel ils les ont reçus. Bien que Français, ces mariniers étaient en relation avec des voyageurs et des navigants méditerranéens. Cette connexion se reflète-t-elle dans la nature de leurs tatouages ? Pour répondre à cette question et élargir la focale, nous dressons, dans une seconde partie, un panorama des pratiques attestées au 18e siècle, principalement en France et en Italie, mais aussi en Nouvelle-France et dans le monde anglo-saxon.

 

 

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