Comment enquêter sur la criminalité organisée ?
Centre de la Vieille Charité
2 RUE DE LA CHARITE 13002 MARSEILLE
Le 26/09/2025
De 17h00 à 18h30
Retranscription LSF
Entrée libre (dans la limite des places disponibles)
Intervenante(s) et intervenant(s)
Grâce aux enquêtes de multiples lanceurs d’alerte - journalistes, militants, magistrats - qui ont fait émerger le sens précis du mot mafia, la loi italienne sait désormais réprimer des phénomènes marqués par l’intimidation, l’omertà et l’assujettissement. À l’avenir, d’autres enquêtes inspirées de ce modèle seront nécessaires pour cerner des phénomènes dont l’existence demeure incertaine, aux yeux du grand public comme des institutions, en particulier les réseaux pédocriminels dont la dénonciation ne repose souvent que sur la parole des victimes.
Si la lutte contre la mafia est un sujet bien identifié depuis longtemps en Italie, c’est grâce à l’engagement de toute une génération de lanceurs d’alerte (journalistes, magistrats, militants, enquêteurs), au prix de la vie d’un bon nombre d’entre eux, dans un projet de connaissance de ce mal obscur et invisible. L’enquête a été au cœur de leur modalité d’action politique, faisant émerger le sens précis de ce mot ambivalent et polysémique désignant quelque chose dont on disait qu’elle n’existait pas. Depuis, la loi italienne a été érigée à modèle pour essayer de réprimer des phénomènes marqués par l’intimidation, l’omertà et l’assujettissement. Néanmoins, son application à d'autres contextes reste complexe (on le voit aujourd’hui en France).
D’autres réseaux criminels sont tout aussi difficiles à saisir car leur existence demeure incertaine, aux yeux du grand public comme des institutions. C’est en particulier le cas pour les abus sexuels commis sur des enfants. Ces dernières années, la question de l’inceste s’est enfin imposée dans l’espace public, grâce à de nombreux témoignages qui ont rendu possible la création d’une commission d’enquête nationale (CIIVISE). L’attention s’est pour l’instant principalement concentrée sur des actes commis au sein du cadre familial, par des individus supposés isolés. Certaines affaires récemment jugées ont montré que les crimes sexuels pouvaient avoir un caractère répétitif (Le Scouarnec) ou collectif (Mazan), la responsabilité étant dans les deux cas imputée à un individu unique. La lutte contre la diffusion d’images pédopornographiques met en jeu une notion de réseau, où les criminels ne sont toutefois saisis que dans la position passive du consommateur. Il est beaucoup plus complexe d’aborder l’hypothèse de réseaux structurés dans lesquels se commettent ces abus, impliquant parfois des actes d’une cruauté inimaginable, d’où sont tirés et commercialisés des films et photos. Une affaire révélée en juin 2024 (« les hommes de la rue du Bac ») a pour la première fois mis en lumière des violences sur enfants commis dans un cercle des beaux quartiers parisiens. L’enquête journalistique et la procédure judiciaire offrent deux voies parallèles pour progresser dans le dévoilement de ces actes, en prenant appui en premier lieu sur le témoignage des victimes. Les sciences sociales peuvent également apporter des outils à la compréhension de ces pratiques de domination, d’emprise et de déshumanisation, en faisant appel à des perspectives anthropologiques et historiques. La comparaison avec les façons de faire de la criminalité mafieuse pourrait se révéler d’autant plus éclairante que ces réseaux ont non seulement des points communs, mais communiquent peut-être entre eux.