
Paul CARBONNIER
Esthétique philosophique, Histoire sociale et culturelle
Esthétique philosophique, Histoire sociale et culturelle
Travail social. Philosophie politique. Procédés de recherche autonome, collaborative. Transdisciplinarité expérientielle.
L’utopie n’est pas tant la capacité à formuler des diagnostics, à prévoir le monde d’après ou à imaginer de quoi l’avenir sera fait. C’est un geste, un pas de côté permettant de s’arracher au présent pour repenser de manière radicalement nouvelle le monde tel qu’il va et tel que l’on souhaite qu’il advienne. L’utopie s’incarne le plus souvent dans des lieux et des temps imaginés, parfois aussi nulle part ou partout, si ce n’est au-delà même du monde humain. Mais l’utopie va et vient. Elle connaît ses périodes de floraison, telles la Renaissance et les Lumières – lorsque l’utopie sort du monde littéraire et imprègne le langage politique, philosophique et pédagogique – ou encore la première moitié du XIXe siècle avec les socialismes utopiques. À d’autres périodes, l’imagination d’une société idéale indiffère ou exaspère. La haine de l’utopie se répand au XXe siècle lorsque le geste utopique est assimilé au totalitarisme. Plusieurs dystopies littéraires (Herbert George Wells, Ievgueni Zamiatine, Aldous Huxley, George Orwell, Ray Bradbury, Margaret Atwood, etc.) en témoignent. L’épigraphe du Meilleur des Mondes range l’utopie du côté des cauchemars réalisables, souhaitant le retour « à une société non utopique moins ‘parfaite’ et plus libre ». Soixante ans plus tard, à partir du moment où l’idée communiste paraît se décliner au passé, ce qui est mort, avec l’Union soviétique, n’est pas un régime, mais l’imagination moderne en matière de bonheur social, remarque François Furet. La pensée même d’une société plus désirable au plan social, politique et économique semblait alors épuisée : « Nous voici condamnés à vivre dans le monde où nous vivons. » Et pourtant, l’enfer utopique que dénoncent certains auteurs, caractérisé par la surveillance et l’embrigadement des citoyens dans une société du contrôle et/ou de la consommation aliénante, n’a pas liquidé la pensée d’un monde autre et meilleur pour s’arracher au présent tel qu’il est. De nombreuses hétérotopies, entendues comme espaces et temps de l’écart, fleurissent dans les années 1960 et 1970, tels que la pédagogie antiautoritaire, l’antipsychiatrie, les mouvements pour l’abolition de la prison, ou encore la vie en petites communautés. L’altermondialisme à partir des années 1980 puis l’engagement pour la protection de l’environnement, la décroissance, les mouvements féministes, gay et minoritaires, ainsi que les mouvements pour les droits humains reflètent également le geste et la praxis utopiques d’aujourd’hui.
L’utopie est-elle une pratique de la protestation et de la dissension politique, et par quels canaux et modes d’action s’exprime-t-elle ? a-t-elle une visée universaliste ou, au contraire, privilégie-t-elle une dimension communautariste et du repli ? Via quels supports matériels et réseaux sociaux s’opèrent ces circulations de l’idée utopique entre passé et présent, entre ici et ailleurs ?
La quatrième édition d’Allez Savoir invite à réfléchir aux idées et aux actions ; aux valeurs des utopies, aux jugements et aux émotions qu’elle génère ; aux individus, aux groupes, aux réseaux qui les portent. Pendant 5 jours, du 20 au 24 septembre 2023, tables rondes, projections-débats, expositions, balades, rencontres aux musées, spectacles, ateliers tout public, propositions en famille, ateliers pédagogiques déclineront à l’envi, la notion polysémique d’utopie. « Voyages en utopies » est une invitation à entrer dans le jeu des sciences sociales.
Le mot du comité éditorial d'Allez Savoir#4, présidé par Marie-Aude Fouéré & Sabina Loriga
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